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Bagdad: tribuna para defender al pueblo de Mesopotamia

Revue de Presse n°313 lundi 13 janvier 2003, par Ahmed Fouednejm

REPORTAGE

A Bagdad, des Français dénoncent les espions américains Une délégation de "volontaires de la paix" envoyée par les Amitiés franco-irakiennes est en Irak depuis le 10 janvier. Visites de sites, entretiens avec des officiels et critique virulente de la politique des Etats-Unis sont au menu.

Bagdad correspondance

Les "volontaires de la paix" français ont l'intention d'en faire la démonstration : les missions d'inspection de l'ONU en Irak ne sont qu'un habillage d'une vaste entreprise d'espionnage menée par les Etats-Unis.

Arrivée vendredi soir 10 janvier à Bagdad, une délégation de douze Français a donc aussitôt commencé ses propres "investigations".

Organisée par l'association Amitiés franco-irakiennes, menée par Gilles Munier, son secrétaire général, et Philippe de Saint-Robert, ancien commissaire à la langue française, cette "mission" regroupe des scientifiques, physiciens ou géologues, et deux amiraux de réserve. Ces derniers expliquent ne pas avoir informé le ministère de la défense de peur de "pressions".

La délégation présente un profil politique disparate, du sympathisant de l'association SOS-Enfants d'Irak, coprésidée par Jany Le Pen, jusqu'au vieux militant PSU limougeaud. Tous sont de fervents partisans de la "cause arabe" et affichent une hostilité virulente à l'égard de la politique extérieure des Etats-Unis.

Reçue par plusieurs officiels irakiens de haut rang, la délégation a pu écouter, dimanche, le général Amer Al-Saadi, conseiller de Saddam Hussein et chargé des contacts avec les inspecteurs de l'ONU. L'officier a repris les accusations d'"espionnage" émises par le président irakien.

Le général s'est aussi plaint de la forme prise par les inspections. "Les provocations continuent tous les jours. Les inspecteurs posent des questions qui n'ont rien à voir avec les armes de destruction massive. C'est un travail de renseignement. Hier, les inspecteurs ont visité une base aérienne et ont posé des questions hors sujet, par exemple sur les routes qui desservent cette base", a-t-il affirmé.

MENSONGES DU RAPPORT BLAIR

Peu avant, les militants français avaient rencontré Abdel Razzak Al-Hachemi, coordinateur des missions d'opposants à la guerre qui se succèdent à Bagdad. Parfaitement informé des récents sondages montrant une opinion publique française opposée à un conflit, M. Al-Hachemi s'est montré vivement déçu par la position adoptée par Paris. Il a, en revanche, salué Jean-Pierre Chevènement, qui avait demandé à l'un des volontaires de lui transmettre un message d'encouragement. "C'est un homme courageux, un vrai Français", a-t-il estimé.

Dimanche, la première visite d'un site irakien, déjà inspecté par les missions de l'ONU, a achevé de convaincre les éventuels sceptiques. "De toute façon, j'étais sûr qu'ils n'avaient plus d'armes de destruction massive", assure un membre du groupe à l'issue d'une visite dans le complexe d'Al-Tadji. Située à 35 kilomètres au nord de Bagdad, cette usine de roquettes a été inspectée à six reprises par les experts des Nations unies. Ce site avait été mentionné comme étant partie prenante du programme nucléaire irakien dans le rapport remis au premier ministre britannique, Tony Blair, et rendu public à l'automne 2001.

Entourés de guides, les militants français sont conduits à travers les hangars de stockage et de production de corps de roquettes par le directeur du site, le général Heissam Al-Chihab. Ils déambulent au milieu de milliers de tubes d'aluminium de 81 millimètres de diamètre, alignés sur le sol. Beaucoup sont enfoncés ou oxydés. "Ces roquettes n'ont une portée que de 10 kilomètres", précise le général Al-Chihab.

"Je suis très content, je tenais à les voir, ces fameux tuyaux, se réjouit l'amiral Michel Debray. Mais cela confirme la mission d'espionnage des Etats-Unis. En venant ici à six reprises, les inspecteurs ont pu tout voir et savoir des stocks et des rythmes de production d'armes irakiennes, et ils savent très bien maintenant où faire tomber leurs bombes."

L'amiral dit mesurer l'objectif réel du travail des inspecteurs. "Avec ce régime d'inspection, les Irakiens n'ont plus aucun moyen d'organiser leur défense et de se protéger, même avec des armes conventionnelles", juge-t-il. Pour Bernard Crouzille, commandant de réserve et ancien responsable d'une unité de protection nucléaire bactériologique et chimique de l'armée française, "il est impossible que ces roquettes servent de vecteur pour une arme non conventionnelle".

Les militants français rencontrent ensuite un scientifique irakien, Kadhem Mojbil. Ce dernier explique longuement que les propos qu'il avait tenus à un inspecteur de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) fin décembre ont été déformés de façon à produire un rapport sur le développement d'un programme nucléaire à Al-Tadji. Selon le général Amer Al-Saadi, cet ingénieur a refusé de partir à l'étranger pour y être interrogé, alors que la résolution 1441 de l'ONU prévoit cette opportunité.

A l'issue de cette visite, Philippe de Saint-Robert est catégorique : "Cela démontre les mensonges du rapport Blair." "Saddam Hussein est le problème des Irakiens. Et ils nous ont montré ce qu'on leur avait demandé", conclut-il.